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Les Rangers, champions en titre, une joie qui cache une situation catastrophique |
On a tous une image du football écossais dans la tête : Sir Alex Ferguson, le You'll Never Walk Alone repris par les 60 000 spectateurs de Celtic Park, les trois Ligues des Champions et les cinq Premier League de Graeme Souness avec Liverpool, le ballon d'or 1964 de Denis Law et ses 236 buts avec Manchester United, les 150 000 spectateurs de Hampden Park pour la réception de l'ennemi anglais en 1936, la C1 du Celtic en 1967 ou encore la frappe de McFadden ... L'un des plus anciens football du monde ne peut laisser personne indifférent. Retombé dans un anonymat relatif depuis quelques années, le football écossais est, comme de nombreux championnats de second rang, en perte totale de vitesse. Tensions entre les clubs, manque d'attractivité, finances dans le rouge, problèmes institutionnels, les maux sont nombreux dans un pays où la sélection pointe à une inquiétante 52e place du classement FIFA à ce jour.
Décentralisation des institutions
En France, on a souvent tendance à blâmer l'organisation de la fédération pour tous les problèmes que rencontre le sport dans l'hexagone. De l'autre côté du mur d'Hadrien, la situation est encore pire. La Scottish Football Association (SFA) est l'une des plus vieille fédération nationale de football au monde (crée en 1873), mais ne gère que les matchs de l'équipe nationale et la coupe. La Scottish Premier League (SFP) s'occupe pour sa part uniquement de la première division alors que la Scottish Football League (SFL) se charge des championnats des trois divisions inférieures. Toutes ces fédérations sont indépendantes et manquent de coordination, aboutissant à un football dirigé par un grand nombre de bureaucrates aux avis divergents. Cette archaïque décentralisation des institutions du football écossais est sans aucun doute l'une des principales faiblesses de ce sport au pays de William Wallace. Beaucoup de dirigeants ont tendance à se cacher derrière les heures de gloire du football écossais dans les années 1970, depuis, rien n'a changé. On est encore bien loin d'assister à la naissance d'une seule et unique fédération pour s'occuper de tous les niveaux du football écossais.
Le laboratoire des dérives sectaires
Neil Lennon attaqué en plein match |
Un bon nombre de derbys dont le Old Firm entre les deux clubs de Glasgow sont fondés sur des rivalités sociales, voir religieuses. Entre les protestants pro-anglais des Rangers et les cathos pro-irlandais du Celtic, le derby de Glasgow se résume surtout en un affrontement communautaire, plus qu'un match charnière pour la désignation du champion. Et les deux clubs ne tentent pas d’apaiser la situation, loin de là. Le cas de Neil Lennon, international nord-irlandais, ancien joueur et désormais entraîneur du Celtic Glasgow. En septembre 2008, il est agressé par deux supporters protestants en rentrant chez lui. L'année dernière, les intimidations prennent une dimension supplémentaire quand la Royal Mail intercepte des balles de fusil et des colis piégés qui lui étaient destinés. Il y a quelques mois, c'était au tour d'un supporter des Heart of Midlothian, le club d'Edimbourg, de l'agresser en plein match (la vidéo). The Famine Song, chant des Rangers moquant la Grande Famine irlandaise du XIXe siècle, qui a poussé de nombreux habitants à immigrer vers l'Ecosse et qui sont souvent les ancêtres des supporters du Celtic, est de plus en plus entendue dans les stades, malgré les nombreux avertissements des autorités. On pensait le temps des tensions communautaires révolue en Ecosse, mais il n'en est rien, bien au contraire, elles semblent même se réveiller.
Glasgow et c'est tout
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Vladimir Romanov, propriétaire des Heart of Midlothian |
1985, cela fait près de 26 ans que les deux clubs de Glasgow se partagent les championnats et trustent les places en Ligue des Champions. Les autres clubs doivent souvent se contenter des places d'honneurs, voir des coupes comme Dundee en Coupe d'Ecosse 2009-2010 ou Hibernian et la Coupe de la Ligue 2007. Les Heart of Midlothian, pourtant rachetés par le milliardaire lituanien Vladimir Romanov, cherchent depuis plusieurs années à bouger la hiérarchie. Ayant limogé 9 entraîneurs ces cinq dernières saisons, il est plus célèbre pour ses sorties dans la presse que pour ses analyses footballistiques : "Ces médias ne sont que des singes, je comprends maintenant pourquoi l’Ecosse est à la 61e place au rang FIFA, derrière des pays aussi nuls que la Lituanie, l’Albanie ou encore le Gabon", déclarait-il il y a quelques mois. Beaucoup de joueurs préfèrent encore signer en seconde division d'un championnat étranger plutôt que dans un club de l'élite hors-Glasgow. La compétitivité du championnat s'en trouve presque réduite à néant, on sait que les championnats se joueront surement durant les Old Firms.
Des stades délaissés
A la fin de la "glorieuse" décennie 1960, une rencontre européenne entre Leeds et le Celtic se jouait sous les
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You'll Never Walk Alone |
yeux de près de 136 000 spectateurs. Désormais, l'affluence culmine à 13 000 spectateurs par stade, moyenne relevée par les foules de Celtic et Ibrox Park. Bien des stades n'accueillent en réalité que 5 000 personnes. Interrogé il y a quelques temps par la BBC, l'éditorialiste David Glenn mettait en garde contre la fuite des supporters, certains clubs étant même menacés de disparition selon lui. La plus grande partie du budget des clubs venant de la billetterie, il y a de quoi s'inquiéter : "Chaque club reçoit environ 1,2 million d’euros des droits de diffusion. On peut donc conclure que la majorité des bénéfices vient actuellement de la billetterie liée de fait à la présence des fans. Le scénario apocalyptique serait de voir certains clubs incapables de survivre à la chute de fréquentation". C'est dans un cercle vicieux que se trouverait alors le football écossais : moins de stars, moins de monde dans les stades, moins d'argent ... Sachant que les droits télés pourraient aussi être revus à la baisse, pour couronner le tout. En même temps, pour voir 90 minutes de Kick'n Rush, les affluences sont justifiables. En ce qui concerne les dettes, seules les glorieuses équipes de Hamilton et St Johnstone n'ont pas de créances. Pour le reste, la dette totale de la SPL atteint les 120M d'euros ...
La scène internationale désertée
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La sélection nationale à la traine |
L'équipe d'Ecosse a commencé son histoire bien avant les autres en disputant son premier match en 1872, mais les résultats n'ont jamais été à la hauteur de l'engouement que les écossais vouent à leur Tartan Army. Cette dernière n'a en effet jamais franchi le moindre tour dans une compétition internationale, et sa dernière apparition dans l'une d'elles remonte à la Coupe du Monde 1998. 13e au classement FIFA à l'automne 2007, elle pointe à ce jour à la 52e place. Les sélections de jeunes ne brillent pas non plus. Avec une équipe dont la moyenne d'âge est assez basse et où seulement deux joueurs comptent plus de 50 sélections, aucune meneur réel ne s'est encore imposé, et on ne voit pas de qui le salut pourrait venir. La qualification pour l'Euro 2012 est également compromise, avec deux points de retard sur la République Tchèque, dernière qualifiée du groupe, à deux matchs de la fin dont un déplacement périlleux en Espagne. Le bilan des clubs dans les compétitions internationales est encore pire. Les Heart se sont fait éclatés par Tottenham durant le club préliminaire, Dundee a été sorti par un inconnu club polonais, le Celtic a été éliminé par les suisses de Sion (puis repêché suite à la disqualification de ces derniers) mais la palme du ridicule revient au champion des Glasgow Rangers. Après avoir été sorti des tours préliminaires de la C1 par les suédois de Malmo, les hommes d'Alistair McCoist ont ensuite perdu contre Maribor en Europa League, histoire de bien toucher le fond.
La concurrence du voisin anglais
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Alex McLeish |
Entre l'Angleterre et l'Ecosse, les relations ont bien souvent été du type "Je t'aime - Moi non plus". Le football anglais doit en effet beaucoup à son voisin du nord. Sur les 20 clubs de Premier League, 6 ont des entraîneurs écossais, soit plus d'un quart des équipes anglaises dirigées par des Scots. Le plus illustre d'entre eux est bien entendu Alex Ferguson à Manchester United, mais il ne faut pas oublier Alex McLeish à Aston Villa, Steve Kean à Blackburn, Kenny Dalglish à Liverpool, David Moyes à Everton et Paul Lambert à Norwich City. Le championnat écossais manque pour sa part cruellement de ses entraîneurs de premier rang ... Pour beaucoup de joueur en SPL, l'Ecosse n'est qu'une étape avant de tenter l'aventure anglaise. De même, ces dernières années, pour lles joueurs dans le groupe écossais, la plupart s'illustrent (ou pas) sur les terrains de Premier League ou de Championship alors que seulement quatre ou cinq évoluent à la maison.
Comment le football écossais pourra-t'il se sortir de cette impasse ? Le président de la fédération écossaise, Stewart Regan, a donné un élément de réponse cette été : "Nous avons juste perdu notre chemin. Je ne voudrais pas appeler cela une crise parce que cela implique que vous n’êtes pas capable de faire quelque chose. Je pense que nous pouvons le faire". Cette philosophie spécifique est celle du l'Ecosse, c'est par son Fighting Spirit que le football sortira de la crise qu'il rencontre. L'avenir n'est pas rose pour le football écossais, mais tout les amoureux de ce sport se battront jusqu'au bout pour conserver un championnat et une sélection compétitif.
Pour finir sur une bonne note ...
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