20 mars 2012

Quand le jeu cède sa place à l'émotion

 
Les détracteurs du football ne cessent de pointer du doigt un sport pratiqué par de richissimes égoïstes, supportés par des beaufs en écharpe pour qui la seule raison de vivre est le club de leur coeur. Ceux pour qui l'idéal sportif de solidarité ne se définit qu'à travers les valeurs du rugby ont pu voir ces derniers jours que le football, ce n'était pas seulement 22 idiots qui tapent dans une baballe.



Il est inutile de rappeler les faits avec précision tellement les médias se sont étendus dessus ces derniers jours. De la greffe de foie d'Eric Abidal à l'arrêt cardiaque de Fabrice Muamba en plein match, en passant par la douleur du jeune milieu de Kilmarnock Liam Kelly qui a perdu son père dans les travées de Hampden Park peu après avoir remporté à la grande surprise la Coupe de la Ligue d'Ecosse aux dépens du grand Celtic Glasgow ... Tous ces évènement dramatiques auront été quelque peut atténués par la beauté de la réaction de l'ensemble du monde du football.

Face à ces tragédies, les joueurs n'ont plus semblé n'être que des adversaires, mais ressemblaient bien davantage à une grande famille. Bien au delà des frontières des clubs et même des pays, c'est bien l'expression d'une solidarité universelle qu'ont pu remarquer tous les fans de football. Interviewé par la télévision britannique, un supporter de Bolton venu rendre hommage à Muamba devant le Reebok Stadium, l'antre des Wanderers, résumait parfaitement la situation "Les fans de toutes les équipes ont été géniaux, ils ont été époustouflants. Ce drame va au delà de toutes les divisions et rivalités. A ce niveau là, la football n’a plus d’importance".

Principal fait marquant, la réaction du public de White Hart Lane, le stade de Tottenham, dans les minutes qui ont suivis l'effondrement de Muamba. Face aux larmes des joueurs des deux équipes, fans des Wanderers et supporters des Spurs se sont mis à l'unisson à scander le nom du jeune milieu de terrain anglais alors qu'il était encore allongé sur la pelouse. Quelques minutes plus tard, alors qu'il était évacué du stade avec précipitation, l'arbitre Howard Webb décidait d'arrêter définitivement le match peu avant la mi-temps, c'est sous des applaudissements de soutien que les joueurs ont regagnés les vestiaires. "C'était surréaliste" explique Benoit Assou Ekoto.

Si le drame Muamba a affecté toute l'Angleterre, l'émoi  ne s'est pas limité à ses frontières. Dimanche soir, à l'occasion de la réception de Malaga, les joueurs du Real Madrid affichaient tous des messages de soutien pour le jeune anglais sur leurs maillots. Mais entre les "Get well soon Muamba" se côtoyaient aussi des "Animo Abidal", alors que les relations entre madrilènes et barcelonais sont réputées pour être parmi les plus tendues du Vieux Continent. Et les hommes de Mourinho n'en sont pas à leur coup d'essai puisqu'en novembre, à l'annonce du problème cardiaque d'Antonio Cassano, le message sur les tuniques blanches était "Forza Cassano". Peu de temps après, ce fut au tour de Claudio Ranieri et Diego Milito, pourtant chez l'ennemi interiste, d'annoncer publiquement leur soutien à l'attaquant du Milan AC.

Sur les réseaux sociaux, et notamment Twitter, les réactions ont fusées de la part de tous les joueurs de Premier League et du monde entier, des comptes de clubs étrangers (une nouvelle fois le Real), mais aussi de fans du football anonymes ou non (comme Thomas Njigol). Ce mardi dans les colonnes du London Evening Standard, l'arrière droit de Tottenham Benoit Assou-Ekoto a sorti sa plus belle plume, dans un article titré "Une nuit horrible, mais qui nous a tous réunis en une famille du football".  "Mais parfois dans ces moments, il y a un pouvoir magique qui fait que les gens se lient, prennent le temps de voir l'être humain et ressentent la douleur de l'autre, ou au moins prennent le temps d'y penser" résume le défenseur camerounais, présent à côté de Muamba lors du drame, avant d'ajouter "J'ai aussi eu peur car il était exactement comme moi, jeune et athlétique".

On ne peut toutefois que regretter qu'il ai fallu attendre des drames pour voir une véritable fraternité dans le monde du football. Émotion de façade ou solidarité sous-jacente dans un sport collectif trop souvent taxé d'individualisme ? Personne ne peut réellement se prononcer, mais quoi qu'il arrive, c'est aussi l'expression d'un monde du football unie derrière une même cause qui aura été un des éléments forts de ces derniers mois, voir même de ces dernières années. Une nouvelle fois, le mots de la fin reviendra à Assou-Ekoto :

"Beaucoup de personnes ne le connaissait pas mais cela ne les a pas empêché de présenter leurs voeux au joueur et à sa famille. Cela n'a pas empêché des milliers de personnes dans les stades à travers l'Europe hier de lui souhaiter un prompt rétablissement, d'applaudir et de prier pour lui. J'ai vu des messages de personnes à l'autre bout du monde souhaiter bonne chance à Fabrice. J'ai vu des gens qui ne se soucient guère du football parler de Fabrice. C'est ce qui fait la vrai beauté et le pouvoir du football. Il connecte les gens d'une manière difficile à décrire"

Le football est humain.

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