La taxe Hollande, ou comment saboter le football français

André Pierre Gignac en costard

La Coupe du Monde, l'Euro et compagnie, c'est tous les quatre ans. Dans des intervalles un peu plus longs, cinq ans, c'est au tour des politiques français visant l'Elysée de nous sortir des propositions électoralistes moisies pour (re)faire du football un sport comme un autre. La dernière de François Hollande est une pépite.

Rappel des faits. En perte de vitesse dans les sondages, le candidat socialiste a décidé d'aller chasser sur les terres de Jean-Luc Mélenchon et de sa caricature du "footballeur millionnaire" pour reprendre les propos de Stéphane Allies, journaliste à Mediapart. 

Par quel moyen ? Créer une nouvelle tranche d'imposition à 75% pour ceux dont les revenus annuels (et non pas le patrimoine) dépassent les 1M d'euros, donc autant dire que nombre de footballeurs de Ligue 1 se sont curieusement impliqués dans la politique ces dernières semaines.

Cette proposition - que je ne trouve pas totalement stupide - nuirait toutefois gravement au football français. Ce n'est pas à l'échelle nationale qu'elle doit être prise, mais au moins au niveau européen.

Si le PSG est le club de L1 le plus concerné par la mesure, on peut penser qu'elle ne perturbera pas plus que ça la direction qatari. Dans son projet de faire du club un cador européen, elle n'hésitera pas à augmenter les salaires afin qu'au final, les joueurs ne voient pas la différence avec l'ancienne situation. En parallèle, l'Etat récupérera de l'argent. Tout le monde serait alors content, sauf le Qatar (mais ça, on s'en fout). 

En revanche, pour les autres clubs qui luttent déjà avec des moyens limités dans les compétitions européennes, le fossé va se creuser. Par exemple, les deux Olympiques peinent déjà à rentrer dans leurs budgets annuels, et avec des taxes supplémentaires il leur sera encore plus difficile d'être attractifs. Moins d'argent pour les clubs, des salaires moins élevés pour les joueurs, plus de joueurs à moins d'un million d'euros par an, et moins de revenus pour l'Etat ...

Si dans un premier temps, ces clubs pourraient se baser essentiellement sur la formation, sur le long terme, il leur sera impossible de conserver les jeunes les plus talentueux face aux appels du pieds des autres écuries européennes et leur manne financière considérable.

Et voyons plus loin ! Sur les droits télé, la taxe Buffet (5% des droits TV reversés aux autre sports, soit près de 4,5M d'euros pour les droits de la Ligue 1 rachetés par Al Jazeera !) coulera aussi ... Sportif du dimanche, toi aussi tu vas payer.

Interrogé par France Inter, Frédéric Thiriez - qui n'oublions pas, en tant qu'avocat, a défendu le socialiste Jean Paul Huchon - a parfaitement résumé la situation : «A coup sûr si elle était mise en application, je pense qu’on pourrait dire que le football français serait rétrogradé en deuxième division européenne».

Mais le pire est venu d'une personne qu'on attendait pas sur ce sujet : Claude Onesta, le sélectionneur de l'équipe de France de Handball, qui s'est exprimé dans les pages de Libération. "Cela fait des années que les clubs (français) ne sont plus compétitifs en Ligue des champions ! Au lieu de se faire éliminer en quart de finale, ils se feront éliminer en huitièmes, pour ce que ça change..." Ce que ça change ? Un gros millions d'euro ... Ce n'est certes pas grand chose pour le Real Madrid ou Manchester United, mais pour un club français, cela constitue une bouffée d'oxygène et la perspective de pouvoir investir, et donc progresser.

Pour Onesta, une solution, que le footballeur travaille après sa carrière : "Dans le hand ou dans le rugby, à la fin de sa carrière, le mec bosse. Pourquoi les footballeurs y couperaient-ils ? Vous vous posez les bonnes questions, vous redémarrez un projet de vie. Travailler après sa carrière sportive, c'est une chance, pas un drame". Regardons la génération 98, c'est vrai que Zidane n'est pas directeur sportif du Real Madrid, que Petit ne travaille pas sur le service public, que Guivarch' ne vend pas des piscines ... Le mythe du footballeur totalement retraité à 30 ans fait encore des victimes.

A l'heure où la France du football attend avec impatience la mise en place du fair play financier afin de pouvoir rivaliser avec ses plus gros voisins européens, le candidat socialiste à la présidentielle, visiblement peu au courant de la mondialisation du sport, lui tire un balle dans la jambe.